Protection de l’enfance au Burkina Faso : l’expérience de l’ONG DIRECT AID au service des orphelins vulnérables

 

Dans l’univers de la protection de l’enfance, les Associations et les organisations non gouvernementales occupent une place importante. Au Burkina Faso, elles sont très nombreuses à s’engager dans la lutte contre les vulnérabilités de l’enfant. Le Secrétariat permanent des ONG (SPONG) a répertorié 132 Organisations et Associations qui mènent des actions concrètes à travers le pays, au profit des enfants vulnérables. Ces structures investissent dans l’éducation, la santé, l’apprentissage des métiers, le renforcement de la famille par des activités génératrices de revenus, le soutien matériel, le transfert monétaire,… Parmi elles, l’ONG DIRECT AID contribue de façon significative aux efforts de respect des droits de l’enfant reconnus par la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE).

  1. Une trentaine d’années d’expériences

DIRECT AID est une ONG internationale arabe implantée dans 32 pays à travers le monde avec une présence remarquable en Afrique. La protection des personnes vulnérables, surtout les enfants orphelins, est son activité principale et prioritaire. Sa création remonte aux années 1980 au Koweit à travers une association dénommée « Comité des Musulmans d’Afrique » dont les premières actions ont consisté à collecter des fonds pour venir en aide aux populations en difficulté dans différents pays du Continent. Bien qu’elle ait changé de dénomination en 2007 pour devenir DIRECT AID, centrée sur l’aide directe aux populations, elle est mieux connue sous l’appellation d’« Agence des Musulmans d’Afrique ». L’année 2016 marque le trentième anniversaire de son existence sur le territoire burkinabè. Son installation dans le pays tire son origine d’une visite effectuée par Docteur Aboubacar Doukouré au Koweït en 1986 sur invitation du ministre des Affaires étrangères de ce pays. C’est au cours de son séjour que cette autorité islamique du Burkina Faso a rencontré feu Abdourahmane Al Soummait, fondateur et Secrétaire général de l’ONG au plan mondial. La présence de DIRECT-AID au Burkina Faso est le résultat de cette rencontre (Diouf, 1999). L’accord de siège fut signé le 29 janvier 1988 entre le gouvernement, représenté par Henri Bruno Bessin (Secrétaire général du ministère de la Coopération à l’époque), et le Comité des musulmans africains au Koweït représenté par Dr Aboubacar Doukouré. C’est à Saïd Sawadogo, responsable du premier orphelinat de l’ONG dans le pays, que la responsabilité du suivi des enfants orphelins a été confiée depuis cette date.

  1. Le profil organisationnel: une vision fondée sur des valeurs islamiques

DIRECT AID est une ONG humanitaire non seulement arabe mais aussi islamique. Selon elle, Dieu a accordé une place privilégiée à l’enfant dans la société en invitant ses serviteurs à protéger ceux qui souffrent. Parmi eux, l’orphelin retient principalement son attention car « le prophète Mohamet a été orphelin de père avant sa naissance, et de mère, à six ans. Toute action orientée vers un orphelin et destinée à le protéger est considérée comme faisant partie des meilleures actions de l’être humain sur la terre » selon le Représentant Pays de l’ONG. La vision de l’Organisation en matière de protection de l’enfant s’inscrit dans cette orientation idéologique. De ce point de vue, l’enfant orphelin ne devrait pas connaître une vie de souffrance. Il doit bénéficier de toutes les mesures susceptibles de promouvoir ses droits. Mais, pour l’Organisation, seule la perte du père lui confère ce statut. Le géniteur est considéré comme le premier protecteur de sa progéniture si bien que son absence crée un vide qu’il faut obligatoirement combler au risque de compromettre l’avenir de l’enfant. Cette vision n’est pas très éloignée de celle traditionnelle dans la société burkinabè à majorité patriarcale. Au décès du père, l’enfant s’insère dans un processus de lévirat ou dans une autre forme de circulation destinée à le protéger (Jonckers, 1997). Les interventions de l’ONG au Burkina Faso sont respectueuses de l’équité, de la non-discrimination et de la participation.

  1. Les sources de financement

Tous les programmes et projets de développement de l’ONG sont financés par des ressources extérieures. Celles-ci sont constituées non seulement de dons et des legs mais aussi et surtout de la collecte de la zakat (impôt légal de solidarité sur la fortune). Ces ressources sont également utilisées pour le payement des salaires du personnel. Il est vrai que certaines infrastructures comme les écoles et les centres de santé génèrent des ressources endogènes, mais elles sont réinvesties dans le fonctionnement. Compte tenu du caractère humanitaire de l’ONG, les responsables s’inscrivent dans une approche d’assistance totale des bénéficiaires de leurs actions. Au sein de l’Organisation, il n’existe pas de logique de rentabilité économique. Les prestations offertes (soins médicaux, éducation scolaire, formation professionnelle, …) sont payantes mais à des frais modiques qui constituent, selon le Directeur général, un moyen de cultiver la participation citoyenne aux efforts de développement du pays. Chaque année, les investissements sont à la hauteur des ambitions de l’Organisation. En 2016 par exemple, une somme de 2.257.584.993 FCFA a été dépensée dans la réalisation des programmes, soit 154. 500. 107 de ressources endogènes et 2. 103. 084. 886 en provenance du siège de l’ONG au Koweït. La somme investie dans la protection et l’insertion des enfants vulnérables correspond à 321. 112. 384 FCFA et représente 13 % du montant total. Ce montant est passé à 408.492.048 FCFA en 2017 traduisant une augmentation de 3 % des charges nécessaires à l’amélioration des conditions de vie des bénéficiaires et au même moment, un accroissement du nombre d’enfants ayant besoin de protection (Rapport annuel, 2017).

  1. Les stratégies de prise en charge

En trente ans d’existence, des milliers d’enfants ont bénéficié du soutien de l’ONG avec une durée moyenne de prise en charge de dix années consécutives. C’est le résultat de la stratégie de parrainage. Toutes les charges afférentes à la vie de chaque enfant, de son admission à sa sortie, sont supportées par son parrain, un citoyen koweitien à qui un bilan régulier est fait sur l’évolution de son filleul.  La scolarisation obligatoire est la seconde stratégie de la structure en termes de planification. Mais à y voir de plus près, elle occupe une place prioritaire car la fréquentation scolaire est un critère non négociable du parrainage. Chaque orphelinat est accompagné d’au moins une école primaire et d’un établissement secondaire. La dernière stratégie de DIRECT AID, consacrée à l’accompagnement vers une « vie active utile et responsable » est principalement destinée aux orphelins en situation de difficultés scolaires, incapables de progresser dans un cursus normal. Soit ils apprennent un métier pour être ensuite équipés du matériel nécessaire au démarrage de leur activité, soit des micro-projets générateurs de revenus leurs sont offerts dans le secteur informel. Entre 2015 et 2017, le nombre d’orphelins de l’ONG est passé de 1 381 à 1 128, soit une réduction de 253 correspondant à ceux qui ont quitté le dispositif en 2016 pour débuter une vie active.

  1. Quelques réalisations et perspectives

 DIRECT AID a réussi de nombreuses réalisations dans le domaine l’offre sanitaire, de l’accès à l’eau potable (construction de nombreuses infrastructures hydrauliques), de la lutte contre la pauvreté économique (financement de micro-projets, dotation en vivres…), de l’emploi des jeunes et des femmes, de l’éducation (une dizaine d’établissements primaires et post-primaires fonctionnels, des bourses d’études scolaires et universitaires…), etc.

Dans le domaine spécifique de la protection de l’enfance, six orphelinats sont fonctionnels et prennent actuellement en charge près de deux milles (2.000) enfants orphelins vulnérables. Il s’agit d’une prise en charge intégrale sur toute la période scolaire et parfois même universitaire de l’enfant. Cette protection couvre l’alimentation, la santé, l’éducation, l’habillement, les loisirs, l’aide à l’insertion socioéconomique, etc. La réussite scolaire des pensionnaires fait l’objet de la mise en œuvre d’un plan quinquennal qui a débuté en 2016. Ce qui influence positivement les résultats scolaires des enfants. Au Certificat d’Etudes Primaires (CEP), l’ONG a enregistré sur un total de 11 écoles primaires : 71% de succès en 2016, 91% en 2017, 78% en 2018 et 80% en 2019. Pour le BEPC, les résultats sont passés de 51% en 2016 à 85 % en 2019.

Sur le plan de l’insertion professionnelle des pensionnaires de l’ONG, l’exemple de Allassane, est édifiant. Il est arrivé à l’orphelinat en 2001 et y débute ses études à l’âge de six ans. Huit ans plus tard, il avait toujours du mal à réussir à l’examen d’entrée au collège. Il sera retiré de l’enseignement général et inscrit pour l’apprentissage de l’électricité en 2010. Deux ans plus tard, il décroche son Certificat de qualification professionnelle en cette spécialité. À dix-sept ans, il commence à exercer comme ouvrier électricien à travers des contrats de courte durée. Sa maman est commerçante de légumes. Avec ses bénéfices, bien qu’insignifiants, elle arrive à assurer le quotidien des frères d’Allassane, le dispensant des charges de fils aîné de la famille. Avec ses économies et son expérience, celui-ci ouvre un point de vente de matériel électrique. En 2014, il bénéficie d’un financement de son parrain à hauteur de 500 000 FCFA (763 euros) pour l’équipement complet de sa quincaillerie. Ce projet le renforce et contribue à augmenter sa clientèle et son estime social dans son environnement. Aujourd’hui, cet ancien pensionnaire, à 25 ans, est très sollicité au point qu’il a embauché une dizaine de jeunes dans son entreprise situé au secteur 29 de la capitale. Désormais, son regard est tourné vers d’autres projets économiques, comme l’élevage, et sociaux, comme le mariage.

En termes de perspectives, DIRECT AID veut étendre sa couverture sociale par la construction d’autres établissements post-primaires, l’ouverture de quatre nouveaux centres de santé, la construction d’un 7e centre socioéducatif polyvalent à Bobo Dioulasso et de nombreux forages au profit des populations.

Dans le domaine de la promotion des droits des enfants, DIRECT AID se positionne comme un acteur de taille au regard de la quantité de ses investissements et de ses longues années d’expériences au profit des plus petits. Ce qui fait de cette ONG l’une des références nationales en matière d’aide et d’assistance sociale et un partenaire au développement. Mais en plus des orphelins vulnérables, l’Organisation fera davantage œuvre utile si elle s’intéresse à d’autres catégories d’enfants en situation difficile comme ceux qui sont victimes de terrorisme actuellement ou ceux en conflit avec la loi.

 

Rapports de l’ONG, exercice 2017 et 2018.

Dr Siaka GNESSI

Sociologue / Attaché de Recherche

INSS / CNRST

 

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