Politique : Simon Compaoré par rapport au nouveau code électoral

Simon Compaoré, président par intérim du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), a accordé une interview exclusive au quotidien d’Etat Sidwaya, le mardi 31 juillet 2018.  Dans ladite interview, M. Compaoré donne sa lecture sur l’adoption du nouveau Code électoral, objet à polémique ces jours-ci. Nous vous la proposons. 

Sidwaya (S.) : Quelle lecture faites-vous du rejet par l’opposition du nouveau Code électoral ?

Simon Compaoré (S.C.) : C’est le jeu normal de la démocratie. Il faut noter que l’opposition a été impliquée dans toutes les démarches initiées pour rapprocher les points de vue sur ce dossier. Le président du Faso a rencontré l’opposition et la majorité au moins quatre fois à propos de ce seul texte du Code électoral. C’est inédit. Le projet de texte a ensuite suivi le circuit normal avant de se retrouver sur la table du président de l’Assemblée nationale (AN), dans le strict respect du règlement intérieur de l’hémicycle. Les députés de l’opposition avaient toute la latitude de demander le report du vote du texte lorsque la conférence des présidents s’est tenue. Ils ne l’ont pas fait.

Comment pouvez-vous comprendre qu’il y ait des rebuffades au moment de permettre à la séance plénière de discuter et voter ce projet de loi ?

Cette loi est nécessaire pour débuter les travaux préliminaires au niveau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour ne pas accuser un retard, si nous voulons effectivement que les Burkinabè de l’extérieur puissent voter en 2020.

La carte consulaire n’a pas été retenue comme document de vote. En quoi pose-t-elle problème?

Le scrutin de 2020 est un vote de haute importance pour les Burkinabè. Il s’agit de désigner le premier responsable du pays. Seuls ceux qui ont la nationalité burkinabè peuvent participer à ce vote. C’est le postulat de base. Il n’est pas évident que tous les détenteurs de la carte consulaire soient absolument des Burkinabè. Et tous les Burkinabè qui vivent à l’extérieur du Burkina Faso ne sont pas non plus détenteurs de carte consulaire. D’ailleurs, les cartes consulaires biométriques ne sont délivrées qu’en Côte d’Ivoire et accessoirement au Gabon. Si on décide de permettre l’utilisation de la carte consulaire en Côte d’Ivoire, les Burkinabè dans les autres pays vont voter avec quelle pièce ?

Pourquoi ne pas admettre une exception ?

Les citoyens sont égaux en droits et en devoirs. On exige la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) à ceux qui sont au Burkina ici, on ne peut pas demander moins à celui qui est dehors. Si tous les Burkinabè à l’étranger n’ont pas de carte consulaire biométrique, autant ne pas mettre ce document comme pièce de votation. On ne peut pas singulariser ceux de la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, sur les 982 337 cartes consulaires délivrées en Côte d’Ivoire à la date du 31 avril 2018, on note que 221 827 ont été délivrées sur la base de pièces délivrées par des autorités du Burkina Faso (acte de naissance ou jugements supplétifs) et 760 510 autres par des institutions ivoiriennes. Peut-on garantir que ces derniers ont la nationalité burkinabè ? Il y va de la sincérité du vote. On est obligé de procéder à des vérifications pour être sûr que seuls des Burkinabè pourront voter. C’est pourquoi, on a exigé la CNIB et subsidiairement le passeport ordinaire.

L’autre question qui divise la majorité et l’opposition est l’enrôlement des électeurs. L’option consistant à s’appuyer sur le fichier de l’Office national d’identification (ONI) pour détecter les potentiels votants n’est pas du goût des opposants qui redoutent des fraudes informatiques.

Ils (opposants) sont même allés loin pour dire, que le Directeur général de l’ONI est nommé par le gouvernement, et donc que tout ce qui se passe là-bas est suspicieux. Aller jusqu’à ce niveau, on ne va croire à rien. Le fichier de l’ONI et la CNIB qu’il délivre sont fiables. S’ils n’y croient pas, ils n’ont qu’à dire à la Commission électorale nationale indépendante(CENI) de ne pas organiser les élections. Les fichiers ONI et CENI sont biométriques et sécurisés et leur croisement permet de savoir aujourd’hui, que tel nombre de citoyens détenteurs de la CNIB entre- temps atteint l’âge de voter et doivent être inscrits sur la liste électorale. Ce qu’on faisait était du travail désordonné, non scientifique. Déployer chaque fois des agents enrôleurs sur le terrain a ses limites. Dans un pays qui va vers la modernité, on ne peut pas continuer à travailler d’une manière qui nous fait dépenser des milliards sans gagner gros. On a initié à un moment donné une opération de révision, qui a coûté des milliards et qu’on a prolongée à deux reprises pour n’avoir que 400 mille nouveaux inscrits. La CENI a proposé qu’il y ait une plateforme sur la base de laquelle l’enrôlement sera désormais organisé. Elle va contacter les intéressés à travers les numéros de téléphone figurant sur leur CNIB pour qu’ils soient inscrits sur la liste électorale et savoir où ils doivent voter. C’est ce système-là que la CENI a proposé, qui nous fait gagner en temps et en argent. C’est quelque chose qu’on peut expérimenter. Sur ce point de croisement de fichiers, c’est la bagarre inutile que fait l’opposition dans la mesure où, suivant son souhait, elle peut à tout moment se rendre à la CENI pour voir comment le travail est organisé.  Du reste, au sein de la CENI, le président ne travaille pas seul, il y a les commissaires de la majorité mais aussi de l’opposition. Honnêtement, nous ne pouvons pas comprendre qu’aujourd’hui des gens crient à la transparence, à la sincérité du vote et refusent qu’on passe par des méthodes suffisamment claires qui évitent de graves contentieux par la suite. Si la liste électorale est disputée, ça pose problème. Il ne faut pas qu’on dise qu’un tel n’est pas Burkinabè mais a son nom sur la liste. Pour cela, il ne faut pas que la base soit faussée.

Au sein de l’opposition, d’aucuns estiment que le MPP craint d’organiser le vote des Burkinabè de l’extérieur et de perdre le pouvoir. Quel est votre avis ?

Les Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire ne sont pas destinés à l’opposition mais à tout parti politique. Nous n’avons peur de rien, même pas de ceux qui sont sur place ici à poser des actes pour nous caler. Même si l’élection avait lieu demain et qu’on était sur un pied d’égalité, nous allions nous battre comme nous l’avons fait de par le passé. Nous n’avons pas volé le pouvoir. Nous l’avons conquis de haute lutte. Nous connaissons le camp d’en face et ses acteurs nous connaissent. Le landerneau politique est suffisamment réduit puisqu’on était ensemble. Pour notre part, nous avons un double rôle dont le devoir de redevabilité parce qu’ayant été élus. Le camp d’en face n’est pas astreint à cela. Nous souhaitons qu’il y ait de la transparence et de la tranquillité dans le pays pour pouvoir dérouler notre programme. S’il y a des gens qui ont intérêt à ce qu’il y ait des troubles, nous nous en démarquons. Mais qu’ils sachent que cela n’est pas acceptable. On ne va pas vivre perpétuellement dans l’insurrection. 

Nous sommes à deux ans de l’échéance du vote des Burkinabè de l’extérieur et les lignes ne bougent pas vraiment sur le terrain. Est-ce que le pari sera tenu ?

Pour moi, vos propos ne conviennent et ne convainquent pas. Nous hâtons le pas, le président du Faso ayant pris le temps pour discuter avec tout le monde. C’est dans ce sens que nous avons refusé qu’on fasse du dilatoire en rejetant le vote du code électoral nécessaire au début effectif du travail de la CENI. Le Parlement a voté ledit code, qui sera promulgué très rapidement, surtout que la CENI l’attendait impatiemment.

Le 29 juillet dernier, le président du Faso a dit aux compatriotes vivant au Togo que le vote de la diaspora en 2020 sera un jet d’essai. Que faut-il entendre par là ?

L’essai sera certainement accompagné de ratés qu’on corrigera pour les élections suivantes. L’important est que le président respecte son engagement. Il y a dix ans qu’on parle du vote de la diaspora, mais c’est maintenant qu’on va poser les jalons de son effectivité. Il faut s’en féliciter. Nous sommes confiants en la démocratie. L’édifice commun demande à être consolidé, et c’est avec tout le monde. Qu’il plaise à Dieu de continuer à bénir notre pays afin que malgré nos divergences, on s’entende sur l’essentiel, qui est que la vie mérite d’être préservée. Le président du Faso est un gentleman, il respecte sa signature. C’est pour cela que nous allons être derrière lui et souhaiter que le maximum de Burkinabè se mobilisent pour rendre possible cet engagement du président Roch d’opérationnaliser enfin le vote de nos compatriotes à l’étranger

Interview réalisée par Karim BADOLO Sidwaya

 

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