Déclaration conjointe des membres du Conseil européen avec les États membres du G5 Sahel

 

Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré et ses pairs du G5 Sahel, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani de Mauritanie, Ibrahim Boubacar Keita du Mali, Mahamadou Issoufou du Niger, et Idriss Déby Itno du Tchad, ont tenu dans l’après-midi du mardi 28 avril 2020, une réunion par visioconférence avec l’Union européenne. Découvrez le contenu de la déclaration conjointe !

Déclaration conjointe des membres du Conseil européen avec les États membres du G5 Sahel (28 avril 2020)

Introduction

Les membres du Conseil européen et les États membres du G5 Sahel, à travers le Président du Conseil européen et la Présidente de la Commission européenne d’une part, et les Présidents des États membres du G5 Sahel d’autre part, ont décidé d’adopter la présente déclaration afin de réaffirmer leur engagement conjoint pour la sécurité, la stabilité et le développement du Sahel.

Cet engagement se poursuivra au niveau régional et international en étroite coopération avec le Secrétaire Général des Nations unies, le Président de la Commission de l’Union africaine et le Président en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest qui jouent un rôle crucial dans les efforts de la communauté internationale en soutien au Sahel.

Contexte

Les dirigeants expriment leurs vives préoccupations face à l’expansion du terrorisme et à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans la région du Sahel. La grave crise qui affecte les États du G5 Sahel et du Bassin du Lac Tchad pourrait s’étendre aux pays voisins, voire aux pays côtiers du Golfe de Guinée. Le terrorisme exerce une pression accrue sur les États du G5 Sahel et du bassin du Lac Tchad tant dans les zones plus densément peuplées que dans les régions plus périphériques. Il exacerbe les tensions locales et se nourrit des faiblesses du développement socio-économique, des faiblesses capacitaires des États et dans certains cas des forces de défense et de sécurité, de celles des institutions dans les zones reculées et des structures de gouvernance.

Les dirigeants condamnent fermement les attaques terroristes et criminelles qui ciblent les populations civiles, les représentants de l’État, les forces de défense et de sécurité ainsi que les infrastructures socio-économiques et qui portent atteinte à la cohésion sociale et communautaire. Ils s’accordent sur la nécessité d’accroître les efforts en vue de i) proposer une réponse intégrée solide aux défis sécuritaires en particulier à la menace terroriste, ii) trouver des solutions politiques aux revendications locales et conflits exploités par les groupes terroristes, iii) répondre aux causes profondes du conflit, aux défis sécuritaires et de développement durable, ainsi qu’aux aspirations des populations à un développement socio-économique inclusif, iv) soutenir les efforts en matière de gestion des ressources naturelles et d’adaptation au changement climatique, v) préserver et promouvoir une coopération constructive et approfondie dans le domaine des migrations en tenant compte des causes profondes de celles-ci, ainsi que des contraintes et limites des pays du G5 Sahel et vi) améliorer et renforcer la coordination et les synergies entre les différents acteurs et les différentes initiatives dans l’atteinte des objectifs communs.

Cet engagement traduit un nouvel élan collectif en faveur de la stabilité et du développement de la région du Sahel. Il rappelle également les efforts consentis par le G5 Sahel et ses États membres pour s’équiper avec les outils conceptuels appropriés et à jour afin de guider et diriger l’action des politiques publiques au niveau national, les politiques de sécurité et de défense et la coopération au développement, en particulier la « Stratégie pour le développement et la sécurité des pays du G5 Sahel » de septembre 2016 et le « Cadre d’actions prioritaires intégré (CAPI) » de février 2020. Cet engagement commun s’inscrit également dans la continuité des échéances majeures organisées dernièrement. Les dirigeants tiennent à souligner l’importance d’établir un partenariat géopolitique stratégique entre l’UE et le G5 Sahel qui mette l’accent sur l’adhésion au niveau local et traite de manière concomitante la sécurité, le développement et la gouvernance. Ils relèvent également l’important soutien financier apporté par l’UE et ses États membres, dont 4,5 milliards d’euros de l’UE pour la période 2014-2020. Dans ce contexte, ils soulignent que l’allocation de soutien devrait se faire en tenant compte des priorités définies par les pays du G5 Sahel.

Conclusions

Convaincus qu’un environnement sûr, stable et juste est la condition sine qua non du développement et inversement, les dirigeants expriment leur détermination à étendre et intensifier leur soutien en faveur de la sécurité et de la stabilité, du développement, de la bonne gouvernance, de l’état de droit et du respect des droits de l’homme dans la région du Sahel. L’ampleur de la crise et ses conséquences humanitaires appellent, en outre, une réponse urgente sur la base d’une approche intégrée qui allie des actions de court et de long terme.

Les dirigeants soulignent la responsabilité première des États du G5 Sahel pour établir les conditions sécuritaires nécessaires au redéploiement des administrations et services étatiques. Le règlement des différends liés à l’accès aux ressources naturelles et à leur utilisation relève aussi de la responsabilité des États de la région et doit être considéré comme un levier majeur dans la résolution des conflits locaux notamment liés à l’agro-pastoralisme. À cet égard, la poursuite de la mise en œuvre par l’ensemble des acteurs de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger de 2015, reste une priorité.

Saluant les efforts significatifs réalisés depuis 2013 par toutes les parties, les dirigeants appellent solennellement à un engagement renouvelé et accru au Sahel. Ils soulignent le caractère central des efforts des Nations unies et leur rôle de coordination, à travers la stratégie intégrée des Nations unies pour le Sahel et son plan de soutien, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et le Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest. Ils rappellent le rôle de coordination de l’Union africaine pour faire taire les armes et amener la paix sur le continent. Ils saluent l’adoption du Plan d’action du Partenariat pour le Sahel du G7 ainsi que l’engagement croissant de la CEDEAO, de l’UEMOA et de l’UA pour répondre aux menaces régionales et leurs efforts de mobilisation des ressources financières dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, la collaboration renforcée des donateurs dans le cadre de l’Alliance Sahel, la déclaration du Sommet de Pau et l’adoption du CAPI par le G5 Sahel, par la 6ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État du G5 Sahel, des initiatives qui soulignent l’importance d’une bonne coordination de l’action des acteurs régionaux et internationaux et l’accroissement du rôle des acteurs locaux, axées principalement sur les priorités des pays bénéficiaires du G5 Sahel. Les dirigeants saluent l’établissement conjoint d’une ‘Coalition pour le Sahel’ comme cadre d’engagement politique et stratégique au Sahel. Ils soulignent l’importance d’un engagement commun fort de tous les acteurs et des mesures envisagées dans les quatre piliers de référence qui devront être entreprises et mises en œuvre de manière intégrée et coordonnée.

I. La lutte contre le terrorisme

Les États du G5 Sahel s’engagent à rendre la Force conjointe du G5 Sahel pleinement opérationnelle, ils saluent le soutien mobilisé par l’UE à cette fin et invitent les autres partenaires à la rejoindre. Ils rappellent l’impérieuse nécessité d’un soutien prévisible, durable et flexible dans les procédures. Les chefs d’État réitèrent leur appel au Conseil de Sécurité des Nations unies pour que la Force conjointe du G5 Sahel soit placée sous le Chapitre VII de la charte des Nations Unies et bénéficie d’un financement pérenne. Les dirigeants saluent la signature de l’arrangement technique entre le G5 Sahel, l’UE et l’ONU pour la fourniture d’un appui opérationnel et logistique à la Force Conjointe dans les cinq pays du G5 Sahel, pour marquer l’excellente coopération entre les trois organisations. Ils saluent le rôle de la MINUSMA et appellent à son renouvellement et au renforcement de son mandat. Ils saluent aussi le rôle de l’opération Barkhane et d’autres appuis bilatéraux visant à renforcer la capacité des pays du G5 à prendre en main leur sécurité. Les dirigeants appellent également à fournir un soutien renforcé au bataillon tchadien de la Force conjointe, qui constitue un élément essentiel de la stabilité dans le fuseau Centre et pour la génération de la Force multinationale mixte. Ils saluent l’engagement de plusieurs États membres de l’UE au sein de la force Takouba. Ils invitent les autres États membres de l’UE à se joindre à cette initiative. Ils saluent également les effort de l’UA et de la CEDEAO dans la lutte contre le terrorisme, et lancent un appel aux leurs États membres à s’engager individuellement ou collectivement dans ce combat. Ils rappellent la nécessité de renforcer les efforts en matière de prévention de la radicalisation en vue d’une lutte plus efficace contre les sources de recrutement des groupes extrémistes.

II. Renforcement des capacités de sécurité et de défense dans les pays du G5 Sahel

Les dirigeants saluent le travail accompli par la mission de formation EUTM conduite par l’UE au Mali dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, ainsi que le soutien bilatéral fourni par les États membres de l’UE. Ils se félicitent de la décision relative à l’élargissement de son mandat aux autres États du G5 Sahel.
À cet égard, les dirigeants saluent la création conjointe du Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel (P3S) qui vise à renforcer la gouvernance dans le secteur de la sécurité et à améliorer les capacités de défense nationale, en particulier en ce qui concerne le maillage territorial, les capacités et la mobilité des forces de défense et de sécurité, l’équipement, la formation, le conseil en matière militaire, les communications et l’information. La fourniture, par un État membre de l’UE, des équipements appropriés, se fera en conformité avec le caractère spécifique de sa politique de sécurité et de défense, de sa législation nationale et, le cas échéant, de la position commune 2008/944/PESC.

Les dirigeants soulignent le rôle central des États du G5 Sahel dans la poursuite des réformes indispensables concernant la gestion et l’utilisation de leur appareil de défense et de sécurité, ainsi que l’importance d’assurer le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans la conduite de leurs actions.

III. Rétablissement de la présence de l’État et des services de base, y compris des capacités de sécurité intérieure ainsi que de la justice et de la chaîne de justice pénale, sur tout le territoire

Les dirigeants soulignent la nécessité d’une approche globale pour s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de la violence locale, prévenir de nouvelles tensions et violences, lutter contre le crime organisé, y compris la traite des êtres humains, amener les personnes responsables d’exactions et de violations des droits de l’homme à répondre de leurs actes et les traduire en justice, lutter contre l’exclusion et la pauvreté, promouvoir le développement durable, renforcer la résilience des institutions et des communautés, renforcer la justice et la chaîne de justice pénale, promouvoir la bonne gouvernance, mettre en place des sociétés pacifiques, justes et inclusives. Ils ont convenu que l’égalité de genre et la participation substantielle et égale des femmes et des jeunes aux processus politiques, économiques et de paix, ainsi qu’à la prévention des conflits, sont des facteurs clés pour permettre le développement durable et la prospérité dans la région. Dans ce contexte, les dirigeants soulignent l’importance de l’Alliance Sahel en vue d’une plus grande efficacité, d’un meilleur respect de la redevabilité et d’un plus grand nombre d’initiatives financières conjointes à travers une collaboration plus étroite entre les donateurs.

Les dirigeants appellent à la mise en œuvre par les États du G5 Sahel du Cadre d’actions prioritaires intégré du G5 Sahel pour identifier et planifier les mesures nécessaires au redéploiement de l’autorité de l’État et des services de base dans les zones les plus vulnérables, et à un soutien concret à cet égard à travers les missions PSDC civiles et les instruments de l’UE. Dans ce contexte, ils prennent note de la contribution de l’Alliance Sahel pour concentrer son travail dans les zones en crise afin d’améliorer leurs modalités d’appui en vue d’un impact plus important et d’atteindre des résultats plus rapides. Ils prennent également note de la contribution du P3S et mettent l’accent sur l’importance des deux missions civiles (EUCAP Sahel Mali et EUCAP Sahel Niger). Ils soulignent que le fait d’instaurer les conditions favorables à ce redéploiement et en particulier à la déconcentration et/ou à la décentralisation des capacités et des moyens pour servir les populations et les communautés locales en améliorant la gouvernance globale et en veillant au respect de l’état de droit, relève en premier lieu de la responsabilité des États du G5 Sahel.

Les dirigeants soulignent le rôle central des forces de sécurité intérieure, telles que la police et la gendarmerie, pour étendre la présence de l’État sur l’ensemble du territoire, ainsi que pour garantir l’intégrité de la chaîne de justice pénale. Les dirigeants saluent les efforts visant à accroître les capacités dans ces domaines, qui passent notamment par l’équipement, la formation et la mobilité, afin d’en renforcer l’efficacité.

IV. Intensification des efforts de développement

Les dirigeants rappellent l’importance de relever le défi du développement dans la région et se félicitent du soutien substantiel de l’UE dans ce secteur. Des efforts à long terme sont nécessaires pour s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de l’instabilité au Sahel. Les enjeux de pauvreté, de gouvernance, d’égalité des genres, d’accès aux services sociaux de base et de respect des droits de l’homme doivent également être traités, notamment en favorisant le développement économique, l’investissement et la création d’opportunités d’emplois pour les jeunes. Les dirigeants reconnaissent le défi global que représentent pour la région le changement climatique et la dégradation de l’environnement et l’importance d’y répondre rapidement. La participation effective des femmes et des jeunes est essentielle dans tous les efforts en matière de climat, de développement et de stabilisation.

Les dirigeants prennent note des efforts de l’ONU, de l’UE, de l’UA, de la CEDEAO, de l’UEMOA, des banques de développement et des bailleurs bilatéraux ainsi que des conclusions de l’Assemblée générale de l’Alliance Sahel, qui s’est tenue en marge du récent Sommet du G5 Sahel. Ils appellent à poursuivre les efforts afin de renforcer la coordination des acteurs dans les zones touchées, de mobiliser des ressources pour le développement du Sahel et de mettre en œuvre la Stratégie pour le développement et la Sécurité des pays du G5 Sahel à travers la réalisation du Programme d’investissements prioritaires (PIP) dans les trois fuseaux de manière équitable.
***

Les dirigeants soulignent la nécessité de garantir une approche intégrée prenant en compte les priorités et les préoccupations des pays du G5 Sahel, pour gérer efficacement l’engagement décrit ci-dessus. Ils appellent à une étroite coordination entre les quatre piliers et leurs structures de gouvernance respectives. Les dirigeants appellent les autres partenaires bilatéraux et internationaux des pays du G5 Sahel partageant les mêmes idéaux à rejoindre la Coalition pour le Sahel et à contribuer aux efforts conjoints dans le cadre des différents piliers.

Les dirigeants remercient le Haut représentant et la Commission européenne pour leur rôle clé dans l’amélioration de la coordination, y compris dans le cadre du P3S et soulignent, en outre, l’importance d’une meilleure articulation à travers le Secrétariat exécutif et la présidence du G5 Sahel, pour plus de résultats et encouragent la constance dans les efforts fournis à cet égard tout en insistant sur la nécessité de concrétiser les annonces en vue de garantir le financement du PIP. Ils saluent l’ambition de l’UE de mettre à jour sa stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel, qui pourrait conduire à de nouveaux développements positifs pour la coopération dans la région.

Les dirigeants remercient les chefs d’État des pays du G5 Sahel pour leur engagement dans la recherche de politiques appropriées à la fois au niveau régional et national, afin que le Sahel puisse redevenir un espace de paix, de stabilité, de prospérité et d’harmonie.

Enfin, les dirigeants expriment leur préoccupation face à la propagation mondiale du COVID-19. Ils appellent à intensifier la solidarité et la coopération internationale sur ce sujet.

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