Covid-19 / Reprise des cours : le SYNADES réagit

 

Le Syndicat national des encadreurs pédagogiques de l’enseignement secondaire (SYNADES) dans une déclaration interpelle le gouvernement sur la reprise des activités, et fait des propositions et des mises en garde. « Nous ne sommes pas opposés à la reprise des cours mais nous disons que les conditions préconisées ne sont pas suffisantes. Certes les autorités du MENAPLN évoquent sans cesse le plan de riposte adopté mais il faut plus de flexibilité au vu de la complexité du défi ».

“Camarades militantes, militants et sympathisants, le BN SYNADES à travers la présente déclaration, vient livrer son appréciation sur la situation actuelle de l’éducation dans notre pays, en rapport avec la maladie due au covid-19 et les mesures envisagées ou déjà mises en œuvre par les autorités.

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que le Burkina Faso a mal à son système éducatif qui souffre non seulement d’une certaine inefficacité interne et externe mais aussi de l’insécurité. L’insécurité a en effet occasionné la fermeture de milliers d’établissements (5212), mettant ainsi à mal le droit à l’éducation de plusieurs millions de jeunes Burkinabè.

Et comme si cela ne suffisait pas, la maladie du covid-19, du moins la psychose liée à cette pandémie, est venue mettre davantage en difficulté un système qui battait déjà de l’aile. Cette pandémie avec son lot d’incertitudes plombe aujourd’hui toutes les initiatives individuelles et collectives. C’est dans un tel contexte qu’intervient la reprise des cours au MENAPLN dès le 11 mai 2020 pour les classes d’examen.

Les militants du SYNADES, en tant que techniciens, en plus des préoccupations largement partagées par tous les citoyens telles que l’insuffisance des tâches en amont, le caractère dérisoire des dispositifs de lavage des mains, l’entretien des deux masques par apprenants (surtout ceux du préscolaire et du primaire qui pourraient se les échanger) s’interrogent sur le rapport entre le port des masques et les exigences pédagogiques. Nous partageons largement l’idée selon laquelle nous devons apprendre à vivre avec la maladie, mais nous ne perdons pas non plus de vue le fait que le cours n’est pas une séance de simple lecture.

Autrement dit, le masque peut constituer un écran gênant et pour l’enseignant et pour l’apprenant dans une situation d’enseignement et d’apprentissage. Cette contrainte pédagogique couplée à l’efficacité du masque envisagé qui reste à démontrer laisse la possibilité de penser que le port dudit masque est davantage une mesure économique plutôt que sanitaire ou propice à l’acte d’enseigner.

La dotation du dispositif de lavage des mains relève de l’entière responsabilité de l’Etat. Le fait de s’en décharger sur les Associations des Parents d’Elèves constitue une préoccupation majeure car la disponibilisation de ce dispositif dans les établissements reste un grand point d’interrogation.

Encore que son utilisation nécessitera une réorganisation des emplois de temps au regard de la taille des établissements et des effectifs de la majorité de nos classes. C’est dire que ces dispositifs peuvent ou bien créer des occasions de regroupements donc de contamination, ou bien exiger que les apprenants soient à l’école à cinq heures du matin pour pouvoir démarrer les cours à sept heures.

Compte tenu de toutes ces appréhensions, nous réitérons notre position qui est la suivante : par principe nous ne sommes pas opposés à la reprise des cours mais nous disons que les conditions préconisées ne sont pas suffisantes. Certes les autorités du MENAPLN évoquent sans cesse le plan de riposte adopté mais il faut plus de flexibilité au vu de la complexité du défi.

Toutes ces difficultés commandent et exigent des autorités du ministère qu’elles aillent au-delà des rencontres d’informations qui sont à saluer pour créer de véritables cadres de concertations à l’effet de vider le contentieux social, pour fédérer les intelligences et les énergies de tous les acteurs afin de faire face ensemble aux multiples et complexes défis. A notre sens, cela s’appelle du management et n’entame en rien l’autorité des premiers responsables. Au contraire, ce serait à leur honneur.

Les autorités en charge de l’éducation porteront l’entière responsabilité d’une éventuelle propagation du covid-19 en milieu scolaire, liée à une reprise mal préparée des activités pédagogiques.

Dans le même ordre d’idées, un véritable cadre de concertation pourrait être mis à contribution pour réfléchir sur l’élaboration d’un document d’orientation du télé-enseignement. A notre sens, ce document aura trois finalités essentielles :

Déconstruire le discours officiel par rapport aux TICE : rappelons qu’à travers le règlement intérieur en vigueur et les règlements intérieurs complémentaires de certains établissements, les outils des TICE tels que téléphones et ordinateurs portables ne feraient pas bon ménage avec la discipline et les bonnes mœurs ;

Rassurer les professeurs sur les objectifs et les modalités pratiques de la mise en œuvre d’un télé-enseignement qui, loin de remplacer le cours donné in situ, accompagne et booste les activités pédagogiques déjà menées par les enseignants là où celles-ci sont effectives et assure une certaine continuité éducative là où elles sont absentes pour quelque raison que ce soit ;

Trouver les moyens d’opérationnaliser la requête des enseignants et encadreurs pédagogiques par rapport à l’acquisition d’ordinateurs portables.
Le SYNADES justifie sa position par le simple fait qu’il tient à l’éducation, à une éducation de qualité, qui est son domaine de compétence et que l’efficacité de tous les services qu’ils soient publics ou privés, est tributaire de celle de l’éducation.

Alors même que l’on évalue difficilement l’impact de l’arrêt durant deux mois déjà de cours sur la qualité de l’éducation, l’Ecole Normale Supérieure de Koudougou, ENSK, sans en donner les fondements règlementaires, pédagogiques et scientifiques vient de décider de la substitution des examens pratiques par l’examen d’une télé-fiche à élaborer par les élèves-professeurs. Une telle décision entraine des interrogations :
De quelles garanties dispose-t-on que les télé-fiches seront élaborées par les candidats eux-mêmes ?

Les candidats sont-ils préparés à cette forme d’évaluation et quelles dispositions a-t-on prises pour encadrer l’activité ?

La fiche pédagogique n’étant qu’un simple projet, un tableau de bord ou une cabine de pilotage, quelles garanties a-t-on quant à sa mise en œuvre réussie en situation de classe ?

Que fait-on des éléments non-évaluables à partir de la fiche pédagogique à savoir la gestion du tableau, l’animation de la classe, la gestion des interactions entre l’enseignant et les apprenants, entre les apprenants, la gestion du temps, la gestion des cahiers de textes et d’absences, la gestion de la progression, l’évaluation de l’atteinte effective des objectifs etc. ?

Quelles dispositions juridiques a-t-on prises pour conformer ce mode d’évaluation avec les modes d’évaluation en vigueur dans le dispositif juridique et qui encadrent les examens professionnels des CAPES, CAPET, CAP/CEG et CAET ?

Les encadreurs pédagogiques des Directions régionales et provinciales qui sont les partenaires de l’ENSK dans le suivi et la certification des élèves-professeurs ont-ils été associés à cette décision et quelle est leur degré d’implication dans cette forme nouvelle d’évaluation ?

Au regard de ces nombreuses questions sans réponses évidentes, le SYNADES, sans s’opposer à la nécessaire évolution des métiers de l’enseignement qu’entrainent inéluctablement les TICE, dénonce cette innovation aventureuse ne semblant être encadrée par aucun texte d’orientation officiel et dont l’impact ne peut être que négatif pour la qualité de l’éducation.

Il appelle par conséquent les encadreurs pédagogiques à ne pas considérer leur métier comme seulement un gagne-pain, à ne pas céder à l’appât d’un quelconque gain mais à faire plutôt de leur profession, un levier de qualité pour le système éducatif national. Il les invite de ce fait à dénoncer la pratique et à s’abstenir de toute participation à ces jurys d’examen d’un genre nouveau.

Le Secrétaire général

Guingri KABORE
Inspecteur de l’Enseignement secondaire

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